Cours Numériques Culture

Laurence Aventin Mars 2022

Sur les traces de Léonard de Vinci à Florence (les secrets révélés par les restaurations de l'Annonciation et de l'Adoration des mages)

Dans le tableau de “L’Annonciation”, le premier détail que l’on peut remarquer est le bras droit de la Vierge Marie semblant être disloqué et dont la main est posée sur une bible. On pourrait penser qu’il s’agit là d’une erreur dûe à l’inexpérience du jeune de Vinci, car l’œuvre date de l’époque où il était encore l’élève de Verrocchio. Cependant, il se trouve que l’artiste a délibérément fait ce choix, car à l’origine, le tableau était exposé dans la sacristie de l’église San Bartolomeo de l’Abbaye territoriale Santa Maria de Monte Oliveto Maggiore. Léonard a ajusté les proportions pour que, de l’angle de vue qui se situait un peu plus bas sur la droite du tableau, le spectateur puisse voir le personnage de la Vierge Marie sans aucune déformation, sachant que le coude serait parfaitement aligné avec la perspective, comme toutes les lignes présentes du côté droit de la toile.Les ailes de l’ange peintes par Léonard paraissent extrêmement réalistes, et c’était la première fois dans l’histoire des beaux-arts qu’une paire d’ailes semblaient provenir d’un véritable oiseau, prêt à s’envoler. Les arbres présents dans le tableau — les pins, les ormes et les cyprès — sont ceux qui se trouvaient autour du monastère, l’artiste n’a fait que les reproduire sur la toile.

Léonard de Vinci reçoit en 1480, des moines du couvent de San Donato à Scopeto, la commande d’une Adoration des mages. C’est sa première grande commande, et tout laisse à croire qu’il l’obtient par l’intermédiaire de son père, ser Piero da Vinci, qui était leur notaire depuis 1476. Les archives d’État de Florence conservent le contrat très précis qui lie les deux parties. Le tableau doit être livré en 24 mois ou au maximum en 30 mois. En outre, le peintre doit fournir la somme de 150 florins pour la dot de la fille d’un certain Salvestro di Giovanni. Couleurs, or et autres dépenses sont à sa charge. Si ces conditions sont remplies, il recevra 300 florins et le tiers d’un terrain situé dans le val d’Elsa2. On ignore les raisons exactes pour lesquelles le tableau n’est pas terminé, mais en 1482, Léonard quitte Florence pour Milan, le laissant inachevé. En 1496, les moines doivent se résoudre à commander une nouvelle Adoration à Filippino Lippi, qui reprend d’ailleurs en partie le mouvement de la composition de Léonard (on peut la voir de nos jours à la galerie des Offices Florence). Vasari aurait aperçu le tableau chez Amerigo Benci (le Couvent de San Donato, lui, fut détruit en 1529 au moment du siège de Florence par les Impériaux). On le trouve dans la villa médicéenne de Castello avant 1794, date où il rentre définitivement à la galerie des Offices. La composition exerça une vive impression sur Raphaël si l’on en croit Vasari, Kenneth Clark y voit son influence dans les personnages penchés et agenouillés de la Dispute qui orne les murs de la Chambre des Signature au Vatican. Les différentes nuances suggérées par le vernis ont frappé les imaginations au fil des siècles, au point d’y voir un élément annonciateur de la peinture de Rembrandt. Pourtant, en 2002, une expertise menée par Maurizio Seracini (spécialiste de la réflectographie infrarouge), révéla que si le dessin original était bien de Léonard, la peinture et le vernis avait été rajoutés bien après sa mort par un peintre anonyme (hormis quelques traits de pinceau sur la tête de l’enfant Jésus, et quelques autres sur la tête d’un des Rois mages, de la main même du maître).

Le tableau a fait l'objet d'une restauration achevée fin mars 2017 après cinq ans et demi de travaux.